Les Linceuls (The Shrouds) de David Cronenberg (2025).
— Linceul être vous manque, et tout est dépeuplé.
(comme disait ce cher Alphonse,
qui n'était pas Daudet mais aurait pu être Allais)
Notes de mai.
2 mai
Le schmock — OK, le "schmock" c'est le asshole, le minable, à l'image du beau-frère de Karsh dans les Linceuls de Cronenberg. Mais chez les Juifs c'est aussi le petit morceau de peau (le prépuce) qu'on détache du pénis lors de la circoncision et qui, s'il symbolise originellement l'alliance à Dieu, représente aussi le déchet, ce qui reste après l'opération — le reste appelé à pourrir, à devenir "schmutz", comme le corps du mort une fois enterré (alors que chez l'endeuillé, nous dit le dentiste au début du film, ce sont les dents qui pourrissent, à cause du chagrin). Cette question du "reste" est centrale dans les Linceuls. A la fois comme "alliance" (à la femme aimée et aujourd'hui disparue, mais aussi au cinéma que Cronenberg s'apprêterait à quitter?) et comme "déchet", le palea, l'en deçà du désir, de ce désir inavouable, et pourtant avoué, pour un corps putréfié (bonjour la mélancolie), avec au bout... rien, juste un schmock. Le désir en tant qu'il est appendu à un objet coupé, "déconnecté", donc signifiant, y révélant sa vraie nature, loin de celui, trompeur, qui nous meut entre vivants (jusqu'à nous exciter via ces histoires fumeuses d'espionnage et les interprétations qu'elles suscitent); désir si loin, si profond, que c'est par-delà la mort, par-delà un deuil impossible, dans le fantasme d'un corps démembré, qu'il trouverait sa plus terrifiante manifestation.
9 mai
Le crime ne paie pas. Sur You and Me (Casier judiciaire) de Fritz Lang.
15 mai
Le 2 juillet, outre le fait que Line Renaud aura 97 ans, sortiront l'Aventura de Sophie Letourneur et l'Accident de piano de Quentin Dupieux... Letourneur et Dupieux, peut-être les deux meilleurs auteurs (désolé pour l'inclusif, j'ai mal tourné ma phrase) de comédies en France, je dirais même "à la Française", non pour rétablir le féminin, mais pour ce que ces comédies ont de typiquement français, mêlant: chez la première, le trivial et ce qu'il peut avoir de génialement comique dans la vie d'un couple (avec ou sans enfants); chez le second, l'absurde qui régit nos vies et nous rend fatalement stupides, et pas qu'un peu chez Dupieux. De l'Aventura, je ne sais pas grand-chose sinon que, s'inscrivant dans une trilogie italienne dont il constitue le cœur, le film prolonge Voyages en Italie, et que si celui-ci, avec son "s" en plus, n'était pas rossellinien, celui-là, avec son "v" en moins, ne sera pas antonionien (et pas davantage "stone-et-chardenesque"?). Quant à l'Accident de piano, j'en sais encore moins. Quid de l'accident? Je connais l'accident de guitare, en l'occurrence électrique, quand le guitariste se trouve électrocuté par sa guitare (Rip Keith Relf des Yardbirds). Pour le piano, j'imagine le pianiste, la tête écrasée par le couvercle du piano, ou simplement les doigts si c'est le couvercle du clavier, mais ça n'a sûrement rien à voir. Réponse le 2 juillet.
18 mai
Il n'y a pas que Pink Floyd qui soit allé à Pompéi. Moi aussi, et c'était avec The Zombies. La preuve: là.
20 mai
Ah The Phoenician Scheme. Pas encore vu le film de Wes Anderson... mais arrêtons-nous déjà sur le titre, "The Phoenician Scheme" (Le schème phénicien), "scheme" au sens non pas seulement d'intrigue (sinon Anderson aurait dit "plot"), ni même de programme (Anderson aurait dit "project" ou "plane"), mais bien de schème... peut-être pas au sens kantien (faut pas exagérer) mais au sens second de "représentation abstraite" (l'abstraction, une donnée de plus en plus marquée chez Anderson), en l'occurence de ce que recouvre ici le terme "phénicien", sachant qu'on ne sait pas grand-chose, justement, des Phéniciens, si ce n'est qu'ils occupaient ce qui constitue plus ou moins le Liban actuel, hommage probable à Juman Malouf, la compagne d'Anderson... et plus encore, qu'ils voyageaient beaucoup et avaient le sens du commerce. Mais aussi que phénicien, étymologiquement parlant, ça renvoie à la couleur pourpre, au "rouge sang" (il parait que ça saigne pas mal dans le film) et par-là au "phénix", oiseau mythique censé renaître de ses cendres. Est-ce à dire que dans The Phoenician Scheme, s'ajouterait à la tonalité funèbre qui imprègne les derniers Wes Anderson (depuis The Grand Budapest Hotel — pensons également à l'exposition "Spitzmaus Mummy in a Coffin and Other Treasures" = Musaraigne momifiée dans un cercueil et autres trésors, conçue par Anderson et Juman Malouf)... oui eh bien, qu'à cette tonalité funèbre, s'ajouterait aujourd'hui l'idée de "renaissance". OK, tout ça est très abstrait, mais c'est justement ce que je voulais dire.
24 mai
C'est quoi le plan? Sur Mission: Impossible — The Final Reckoning de Christopher McQuarrie.
31 mai
Phénicie aussi. Sur The Phoenician Scheme de Wes Anderson.
You and Me (Casier judiciaire) de Fritz Lang (1938).