
Mission: Impossible — The Final Reckoning
de Christopher McQuarrie (2025).
C'est quoi le plan?
Oui "c'est quoi le plan?", se demande-t-on tout au long du dernier Mission: Impossible, le n° 8, en fait le 7B, vu qu'il est la suite directe du n°7, pour le coup 7A, ce qui déjà en soi — le fait d'avoir divisé "Dead Reckoning" en deux parties — était un mauvais plan (davantage en tout cas que pour "Rogue Nation" et "Fallout"). "C'est quoi le plan?", véritable mantra de la franchise, et son corollaire: "(t'inquiète) on va trouver une solution", le problème étant que, à partir du n°5 (soit les MI réalisés par McQuarrie), eh bien l'Impossible Missions Force est devenue l'Ethan Hunt Force, ce brave Tom Cruise concentrant, de plus en plus sur lui seul, toute la puissance de la série (en termes d'action mais aussi de réflexion et de prise de décision)... "Dead Reckoning II" est donc devenu "The Final Reckoning", ce qui n'est pas sans incidence, le changement de titre modifiant aussi la perspective du film. La première partie avait comme enjeu principal la localisation du Sebastopol, le sous-marin russe coulé dans la mer de Béring et dans lequel était stocké, sur une disquette, le code source de la méchante Entité, en accord avec le titre "Dead reckoning" au sens non pas de "règlement de comptes mortel", comme il a été traduit un peu partout, mais de "navigation à l'estime", soit le calcul des coordonnées où se trouvait ledit sous-marin. La seconde partie, elle, bien qu'ayant conservé la question du "dead reckoning" au cœur du récit (la longue séquence sous-marine, de loin la plus belle du film, survient exactement au milieu), annonce clairement, via cette idée de "décompte final", autant la fin du monde, en tant qu'enjeu narratif, que la fin pure et simple de la saga. Et ce, après trente ans de bons et loyaux services de Tom Cruise/Ethan Hunt, l'increvable — signification en hébreu du prénom Ethan — pourchasseur de... de quoi au juste? de tout ce qui a été, est et serait à l'avenir, mauvais pour l'humanité, soit au départ Jim Phelps lui-même, le "taupe-chef" de l'IMF, puis, dans l'ordre, un vilain virus (mortel il va de soi), un trafiquant d'armes (super dangereux), un syndicat terroriste (ultra puissant)... et pour finir, surenchère oblige dans la démesure paranoïaque, cette IA monstrueuse, nommée donc l'Entité, dont les données relèvent du giga, mieux: du téra, que dis-je, plus balèze encore: du péta (ouchnok, forcément), imposant sa post-vérité au monde entier, qu'elle menace d'apocalypse en déclenchant une attaque nucléaire à grande échelle (après voir pris les commandes de tous les arsenaux nucléaires de la planète et s'être planquée, comme il se doit, dans un bunker spécial, quelque part en Afrique du Sud), projet heureusement détourné à la toute dernière seconde (on a eu peur), je dirais même à un millième de seconde près, par nos quatre (plus un) fantastiques. Autant dire que, la fin du monde ainsi empêchée, toute nouvelle mission, si impossible soit-elle, n'aurait aucune raison d'être dans la mesure où, question démesure, on a là atteint le plafond. Et ce d'autant plus qu'à la fin, dans le dernier plan, Tom Cruise a récupéré l'Entité ainsi neutralisée (grâce à Grace et le reste de l'équipe, soyons juste) qu'il tient dans le creux de la main, et que dès lors, fidèle à la "bonne parole" (scientologiste?) qui sous-tend le film et a permis à notre héros d'évacuer un à un les trauma accumulés le long de la série (trauma dont il portait la responsabilité, belle idée hélas mal exploitée), il serait devenu... une sorte de Dieu, capable de "transcender la matière, l'espace, l'énergie et le temps" (bon ça c'est dans la dianétique, pas dans le film, quoique...).
Si donc, par bien des côtés, ce dernier Mission: Impossible se révèle l'épisode de trop, à l'image des numéros de Cruise, ses acrobaties dans les airs, de même que tous ces sprints qui ne servent à rien, qu'il se montre (le film) particulièrement plombant, surtout dans sa première moitié, du fait que les auteurs se sont crus obligés de repréciser les enjeux du film précédent, alourdissant un scénario déjà très fumeux, mais aussi, puisqu'il s'agissait parallèlement de clore la série, de réintroduire d'anciens personnages disparus depuis longtemps (qu'accompagnent de furtifs flashbacks), tout ça de façon souvent maladroite, le pire étant quand même le prêchi-prêcha final qui gâche le dilemme (au départ convaincant) qu'entretenait le film entre les deux fins du monde possibles: la pire et la moins pire... oui, eh bien, malgré tous ces défauts, il n'en reste pas moins que le film a encore quelques beaux restes. Qui touchent d'abord à ce qui a toujours été la force de la franchise, à savoir son rythme, sa vitesse, sa gratuité dans les effets... lui conférant un vrai pouvoir de jubilation, limite jouissif, quand bien même on aurait perdu en cours de route le fil de l'histoire. Pouvoir qui certes est allé en déclinant à mesure que les épisodes se succédaient mais dont on ne peut pas dire qu'il ne reste plus rien, en tout cas dont il reste suffisamment pour soutenir la comparaison avec les meilleurs blockbusters. Qui touchent ensuite à de jolis moments, des moments de grâce, tels — outre la séquence sous-marine déjà citée — l'adieu de Lother à Ethan (Lother Stickwell, joué par Ving Rhames, le seul autre personnage présent dans tous les épisodes), digne de celui entre Woody et Buzz l'Eclair dans Toy Story 4, moments aussi d'humour, ainsi la scène où Benji blessé doit guider Paris pour qu'elle l'opère de son pneumothorax en même temps qu'il doit expliquer à Grace comment désamorcer l'engin nucléaire. Lol. Reste Tom Cruise, soixante balais, qui fait tout (sans le vouloir bien sûr) pour qu'on se moque (gentiment) de lui, déjà par sa coiffure, quand il a ses cheveux longs aplatis en avant, style serpillère, pour faire peut-être plus jeune, qui en tous les cas, avec son nez de plus en plus imposant, les années passant, lui donne l'air (faussement ahuri) d'un Dustin Hoffman, sorti ici de la salle de muscu... et plus encore, toutes ses prouesses de kéké (jusqu'à s'exhiber en slip de bain, sans aucune justification sinon celle de montrer son beau corps d'athlète), autant de manifestations qu'il est difficile de ne pas trouver un brin ridicules, rendant du coup ce film de "fin du monde" plus drôle qu'il n'y paraît (ou qu'il ne le voudrait) — bon, dans le genre, ce n'est pas aussi drôle que Fumer fait tousser de Dupieux, haha — mais fait qu'au final l'acteur, qu'on a donc vu vieillir à son corps défendant pendant 30 ans, a quand même quelque chose de touchant. Aussi parce que perpétuant l'attachement que l'on peut porter à un personnage de fiction côtoyé depuis si longtemps. Bref, je ne jette pas la pierre...