août 13, 2025

Point ligne plan

  The Brown Bunny de Vincent Gallo (2003).

La première fois que j'ai vu The Brown Bunny, c’était lors de sa sortie il y a plus de vingt ans. Puis j’y ai repensé à chaque fois que j'écoutais la BO composée en partie par John Frusciante, l'ancien guitariste des Red Hot Chili Peppers, mais dont les cinq titres (sublimes) ne sont présents que sur l'album, Gallo ne conservant dans son film que la musique additionnelle (elle aussi sublime), de "Tears of Dolphy" de Ted Curson à "Smooth" de Francesco Accardo, en passant par "Come Wander with Me" de Jeff Alexander et interprété par Bonnie Beecher, "Beautiful" de Gordon Lightfoot et "Milk and Honey" de Jackson C. Frank. Pourquoi ont-ils disparu ces morceaux? Frusciante dit lui-même que sa musique et le film étaient pareils à des jumeaux. Et c'est vrai que la ligne mélodique des chansons épouse exactement celle, douloureuse et fragile, du film. Reste que les cinq titres manquants, qui feraient de la Fender de Frusciante le pendant de la Honda 250 de Gallo, elle-même cachée une bonne partie du film à l'intérieur du van, participent de cette impression d'étrangeté véhiculée par The Brown Bunny, une étrangeté qui tient d'abord au mouvement du film, avançant tout droit vers sa résolution finale, son "pipe-show" turgescent et son flash-back explicatif, mais aussi de tout ce qu'a retiré Gallo du film après sa présentation cannoise. Je ne connais pas la version qui avait été montrée à Cannes en 2003, mais la nouvelle, amputée de presque une demi-heure, soit un quart du film, serait celle voulue par Gallo — et pas, bien sûr, pour faire plaisir au public cannois qui l'avait copieusement sifflée, ni au critique Roger Ebert qui, lui, l'avait qualifiée de pire film jamais vu à Cannes, ce qui par la suite avait valu une belle bordée d'injures entre les deux hommes.

De tout ce qui a été coupé, le plus important est certainement la fin de la séquence dans le salar de Bonneville, où l'on voit Gallo, sur sa moto, flottant entre le bleu du ciel et le blanc des salt flats, et disparaître à l'horizon. Dans la première version, on le voyait ensuite revenir à son point de départ... Là non, ce qui crée une trouée dans le tissu du film, d'autant que la séquence se situe exactement au milieu et qu'un tel "point de non-retour" ne peut qu'éclairer différemment la seconde partie. Jusque-là, on avait affaire à un road-movie somme toute classique dans son déroulement minimaliste, ponctué de rencontres éphémères avec des inconnues aux noms de fleurs, comme celui de l'être aimé et à jamais perdu (Daisy). Et la sortie à moto sur le speedway s'inscrivait dans cette succession de petits faits insignifiants, soit une simple parenthèse dans l'itinéraire du film (la traversée Est-Ouest des Etats-Unis), le temps de se faire plaisir. Sauf qu'en supprimant le plan du retour, Gallo modifie la donne. D'abord au niveau de la forme. Par cette coupe, le cinéaste renforce encore plus la sensation d'aplat que dégage la séquence. La profondeur de champ est comme définitivement abolie. Le personnage s'efface progressivement, jusqu'à devenir un point minuscule où s'annule, via le flou de l'image, toute perspective. On nage en pleine abstraction, et pas n'importe laquelle: la colorfield painting de Rothko et B. Newman, avec ses bandes d'aplats monochromes (ici bleus et blancs). Plus encore: Gallo élimine le changement d'axe qu'aurait impliqué le retour du personnage et prolonge ainsi tous ces plans où il apparaît de dos, silhouette hirsute envahissant une partie de l'écran, qu'il soit au volant de sa camionnette ou en train d'embrasser une femme, ce qui accrédite l'idée d'un road-movie filmé comme une fuite en avant, jusqu'aux retrouvailles avec Chloë Sevigny où cette fois Gallo est vu de face, et pour cause (la modernité de Gallo passe par une utilisation assez désinvolte du champ-contrechamp).

Mais là n'est pas l'essentiel. Ce qui fait la grandeur du film, c'est sa temporalité. The Brown Bunny est un film de l'inconsolation et comme tout grand film de ce type, trouve sa force dans des questions moins de surface que temporelles (pensons à Vertigo, film matriciel s'il en est, et à la sublime séquence du séquoia, l'une des plus belles du film). Je m'explique. En ne nous montrant pas le personnage revenir de sa virée dans le désert, Gallo crée une fausse fin, en plein milieu du film, qui rend la seconde partie plus indécise, quant à l'enchaînement des faits, et à leur durée, d'autant que la séquence se trouve raccordée brutalement avec le plan du van avançant vers nous, en lieu et place de la moto. Et si c'était vraiment la fin? Je parlais plus haut des femmes rencontrées qui portent toutes des noms de fleurs: Violet, Lilly puis Rose, en attendant Daisy. Mais qui évoquent aussi des couleurs (Daisy se nomme Lemon, à la fois marguerite et citron) — ce qui renvoie peut-être aux pull-overs de couleurs différentes qu'arborait Warren Oates dans Two-Lane Blacktop de Monte Hellman, un film auquel celui de Gallo fait davantage penser qu'au Gerry de Gus Van Sant (sorti l'année d'avant), mais surtout identifie le personnage de Daisy à la Honda jaune de Gallo, et pour le coup le van noir à un fourgon mortuaire. Dès lors, comment ne pas voir la séquence du désert comme une sorte de cérémonie funèbre, à la fois moderne et romantique, autant dire ultra mélancolique, donc sans retour possible. The Brown Bunny ne serait rien d'autre qu'une version moderne du mythe d'Ophélie. Toute la seconde partie, au statut temporel incertain (puisque arrivant après la fin), témoigne de cette ophélisation, ce que confirmerait la sulfureuse scène finale puisque le personnage de Daisy y apparaît tel un fantôme (elle est bien morte) qui pourtant "existe" (c'est une hallucination, donc bien réelle pour celui qui en est la proie). Un peu vampire aussi, dans la mesure où, on le sait, les vampires la nuit...

Bonus: la bande originale du film.

août 08, 2025

Yi Yi


  Yi Yi ( ) d'Edward Yang (2000).

  Le trait et l'Un.

Et un chef-d'œuvre, un! A la fois dernier chef-d'œuvre du XXe siècle (le film a été tourné en 1999) et premier du XXIe (le film est sorti en 2000), Yi Yi, — —, "Un un", l'opus ultime d'Edward Yang est le film du redoublement. D'abord entre deux époques, deux générations, celle du personnage principal NJ, de son épouse, de son beau-frère, de son amour de jeunesse retrouvé par hasard trente ans après... et celle de ses deux enfants, sa fille adolescente et son fils de 8 ans; deux générations attachées plus ou moins fortement à une troisième, celle de l'ancêtre, la grand-mère tombée dans le coma le soir du mariage du beau-frère et à qui chacun se doit de parler (non sans difficulté) pour la maintenir en vie. Redoublement aussi par rapport aux précédents films de Yang, dont il reprend en les condensant les principaux thèmes; par rapport également à la Cité des douleurs (1989) de Hou Hsiao-hsien, l'autre grande figure du nouveau cinéma taïwanais, fresque familiale au temps de la "terreur blanche", celle qu'exerça le Kuomintang après la guerre et la fin de l'occupation japonaise, et dont Yi Yi apparaît comme le pendant contemporain (Wu Nien-jen scénariste bien connu, qui joue ici NJ — mêmes initiales —, a co-écrit le film de Hou et à ce titre on peut voir l'ouverture de Yi Yi comme un clin d'œil — cf. la photo de famille lors du mariage — sinon un hommage à la Cité des douleurs). Redoublement encore des prénoms qui composent la famille de NJ, de Min-Min (l'épouse) à Ting-Ting et Yang-Yang (les enfants). Mais surtout redoublement du monde qui voit la réalité extérieure (Taipei, son cadre urbain, ici souvent nocturne) se réfléchir à travers toutes ces vitres qui démultiplient les interfaces, sur les vies de chacun, vues, elles, dans leur sphère intime. Par ce jeu entre l'intérieur et l'extérieur, le film crée une spatialité trouble, autant que troublante du fait que ces vies y apparaissent à la fois transparentes, puisqu'en reflet les unes dans les autres, et opaques, car singulières, propres à chacun, "enfermant" du coup les personnages: NJ dans le regret d'être passé à côté de sa vie; Min-min dans la dépression, confrontée au vide de son existence (jusqu'à aller s'enfermer dans un monastère); Ting-Ting dans l'imaginaire, confrontée, elle, aux tourments bien réels du sentiment amoureux; Yang-Yang dans l'éveil aux choses, merveilleux petit personnage découvrant la vie — Ozu + Saint Thomas —, s'en amusant (les ballons) comme s'en inquiétant car ne croyant qu'à ce qu'il voit (les photos qu'il prend pour visualiser les moustiques ou révéler aux autres cette partie du monde qu'ils ne voient pas puisque située dans leur dos). Soit un mixte d'ouverture et de repli dont témoignent toutes ces portes qu'on passe son temps à ouvrir et refermer, et que, de façon plus large, via justement ces plans larges auxquels recourt Yang, le film intègre dans une sorte d'espace bigger than life (cosmogonique?) où les personnages, filmés de loin, semblent perdus dans l'immensité du monde. 

Mais encore. C'est quoi au fond ce "double un" qui donne au film son titre en même temps que sa structure (au mariage du début répondent à la fin les funérailles de la grand-mère)? Et plus précisément ce "trait horizontal", signe du 1 en tant que "premier" mais aussi caractère le plus "simple" de l'écriture chinoise. Un simple trait qui associé au 1 aurait à voir avec l'origine, et qui redoublé telle une "seconde chance", ainsi qu'il est dit dans le film, permettrait de repartir à zéro. Sauf que ça n'y changerait rien. C'est que le redoublement ici ne renvoie pas à une nouvelle vie, mais simplement à la compréhension que cette seconde vie ne serait que la poursuite de la première, que celle-ci soit riche d'enseignements (Yang-Yang et Ting-Ting même si dans son cas l'expérience est cruelle) ou se révèle rétrospectivement décevante (NJ et Min-Min). Décevante mais finalement acceptée, par le biais du second "trait" qui, à défaut de rendre la vie meilleure, nous apprend que la vie, il n'y en a qu'une et que croire, à l'instar du beau-frère, qu'une seconde chance serait l'occasion de recommencer sa vie n'est qu'illusion... dans la mesure où si un tel événement survenait, fruit du hasard et non effet des astres, la vie d'avant s'en trouverait certes modifiée mais sans signifier pour autant qu'un retour au point de départ, prélude à une nouvelle vie, est possible (faux espoir dont fait l'expérience NJ). De sorte que le deuxième "—" apparaît comme indispensable, lié qu'il est au premier (tels deux signifiants), ce que matérialise dans le film le jeu avec les reflets et qui, à bien regarder, concerne plus les grands que Yang-Yang, l'enfant saisi, lui, directement sur des écrans de vidéosurveillance, parce qu'encore très dépendant de l'Autre (le premier "—"), soit "un trait et demi", cet Autre qui lui permet de trouver du sens aux nombreuses questions qu'il se pose mais qui ne recouvre qu'à "moitié" son être (cette vérité encore inaccessible puisque relevant du non visible). Chez Ting-Ting et les adultes, au contraire, le "— —" est complet. Et la vie infiniment plus complexe, via les crises existentielles que chacun est amené à traverser.

Si intriquée soit donc sa narration, Yi Yi n'en est pas moins d'une incroyable fluidité, les trois heures du film filant à une vitesse folle (ils sont rares les films d'une telle longueur dont on voudrait qu'ils ne s'arrêtent pas). C'est sa musicalité (Edward Yang y apparaît d'ailleurs subrepticement en tant que pianiste). C'est aussi sa magie. Il y a dans le film cette scène où NJ rencontre à Tokyo un industriel japonais susceptible de racheter l'entreprise de logiciels qu'il dirige avec des amis et qui est menacée de faillite. L'industriel lui fait comprendre qu'il n'a pas de recette magique pour sauver l'entreprise et, pour illustrer son propos, fait un tour de cartes qui ne repose sur aucun "truc", simplement le fait qu'il connaît parfaitement la place des cartes dans le jeu (de celles en tout cas qu'il présente retournées à NJ). Yi Yi, c'est un peu ça. L'art de Yang est tel, dans la construction de son récit, la manière de mettre en scène ce qui le compose, de raccorder les plans, sans recourir au moindre "effet", se contentant de plans larges et fixes, les rares mouvements de caméra relevant de la plus stricte nécessité, qu'il confère au film un côté magique. Magique mais sans effet de magie. Parlons alors de génie chez Yang pour atteindre ainsi, à partir d'un matériau somme toute hétérogène, une unité aussi puissante, qui ne soit pas seulement stylistique mais également narrative. Dans Yi Yi, ça confine au vertige. Qui fait du film la réponse, meurtre compris, de ce que l'amoureux pour le moins perturbé de Ting-Ting et de sa voisine, définissait comme le plus du cinéma par rapport à la vie, cette idée qu'on "vivrait trois fois plus depuis l'invention du cinéma". Autrement dit que les films nous offrent d'emblée deux fois ("un, un", yi yi) ce que la vie, sur le moment, nous donne qu'une seule fois. Edward Yang s'y attèle avec une telle confiance en ses moyens, une telle croyance en ses personnages, qu'il peut même céder à quelques facilités (Beethoven ou Bach pour accompagner certaines scènes, un jeu vidéo pour figurer la violence du meurtre...) sans que son film en pâtisse. Revu vingt cinq ans plus tard, Yi Yi est toujours aussi bouleversant.

août 05, 2025

Mon journal 7

  Roland-Garros 2025: Finale Alcaraz — Sinner,
minisérie en 5 épisodes: 4-6, 6-7, 6-4, 7-6, 7-6.

  Notes de juillet.

1er juillet

Top 10 de la première moitié de 2025: (par ordre alphabétique)
Bernie, Richard Linklater (2011)
Black Bag (The Insider), Steven Soderbergh
5 septembre, Tim Fehlbaum
Cloud, Kiyoshi Kurosawa
Eephus, Carson Lund
— El llanto (les Maudites), Pedro Martín-Calero
Jardin d'été, Shinji Sōmai (1994)
Life of Chuck, Mike Flanagan
The Phoenician Scheme, Wes Anderson
Tardes de soledad, Albert Serra

+ Finale Roland-Garros: Alcaraz - Sinner

+ 4 ressorties: Blackmail (Hitchcock) — les Chevaux de feu (Paradjanov) — Porcherie (Pasolini) — Quatre Nuits d'un rêveur (Bresson).

3 juillet
Reflet dans un diamant mort de Cattet et Forzani... c'est Mort à Venise (sur la Côte d'Azur) mêlé de giallo (à la sauce pop), d'Eurospy (James Tont) et de fumetto nero (Satanik)... tout ça passé dans la centrifugeuse. D'accord, le graphisme est magnifique, c'est visuellement très fort, mais la débauche formelle ici XXL rend la chose quand même vite indigeste. Ça file et rien n'accroche, en dehors de la BO (Morricone, Nicolai, Umiliani...), ce que le film a de mieux finalement. Je réécoute La lucertola.
4 juillet
Aaaah l'Aventura! Après Voyages en Italie, et en attendant Divorce à l'italienne, Sophie Letourneur poursuit son trivial pursuit, en Sardaigne et en famille cette fois, rythmé par le caca de Raoul et le Prélude en do majeur de Bach. Génial.

5 juillet
Le si bémol. Sur l'Accident de piano de Quentin Dupieux.

8 juillet
Le tout et le rien. Sur l'Aventura de Sophie Letourneur.

9 juillet
En attendant de voir le Rire et le Couteau, j'ai revu l'Usine de rien de Pedro Pinho. Le film est vraiment fabuleux en dépit de quelques passages un peu trop didactiques, comme la longue scène du dîner mais contrebalancée par le concert punk qui suit, donc ça va quand même... Et puis c'est d'une invention constante, qui touche à la comédie sociale, intimiste et pour finir musicale, ce qui m'a fait penser respectivement à Fassbinder (le feuilleton Huit heures ne font pas un jour et le format 16mm), Cassavetes (les gros plans sur les visages, notamment celui très suggestif de la femme lors des deux scènes érotiques) et Moretti (les chorégraphies à l'intérieur de l'usine).
Si le sujet est dur (dans le contexte de la crise économique, celle de la dette, qu'a traversé le Portugal, une fabrique d'ascenseurs que les dirigeants ont abandonnée, des ouvriers qui l'occupent, rêvant d'autogestion, mais qui n'ont "rien" à produire), le ton est léger (cf. plus haut) sans jamais entamer l'incroyable force politique du film (d'autant que l'usine en question a elle-même fonctionné sur le mode de l'autogestion au moment de la révolution des Œillets, et pendant une vingtaine d'années, après le départ d'OTIS le constructeur d'ascenseurs, certains des ouvriers qui jouent dans le film ayant d'ailleurs connu l'usine de cette époque). Le propos qu'on y tient est plutôt altermondialiste, sauf qu'on n'est pas sûrs, à l'image de Zé le personnage principal, de vouloir changer le monde. Ajoutons que les échappées hors de l'usine sont absolument magnifiques (avec quelques plans à la Ozu), notamment celles au bord du Tage (le film a été tourné à Póvoa de Santa Iria, au-dessus de Lisbonne). On y croise même des autruches.

12 juillet
Le double regard. Sur le Rire et le Couteau de Pedro Pinho.

15 juillet
"I fly away". Sur F1® de Joseph Kosinski.

19 juillet
On ne s'attardera pas sur le grand n'importe quoi qui a présidé à la distribution de la Trilogie d'Oslo de Dag Johan Haugerud, les trois films sortant chez nous à une semaine d'intervalle dans un ordre inverse à celui d'origine (même si cet ordre importe peu), le dernier, Sex (qui est donc le premier) sous le titre Désir (sic)... Disons surtout que cette trilogie, un peu trop littéraire dans sa facture (Haugerud est aussi romancier), n'évite pas l'écueil psycho-sociologisant (sur les différents types de rapports amoureux — entre deux hommes, entre une femme et un homme, entre une adulte et une mineure — que chaque film expose de manière plutôt verbeuse voire poussive par instants, n'est pas Bergman qui veut), le didactisme pesant par son coté démonstratif (l'ouverture de Love avec la visite de l'Hôtel de ville d'Oslo et les explications de la guide quant à la dimension sexuelle des sculptures qui ornent la façade) ou le recours à des scènes au symbolisme pataud (cf. l'interminable escalier — un ancien tremplin de saut à ski! — qu'essaie désespérément de gravir la grand-mère dans Dreams), etc., autant d'éléments qui gâchent l'ensemble et tous ces autres moments, eux, plus légers, plus délicats (la première partie de Dreams: le journal intime de l'adolescente raconté en voix off), plus émouvants aussi... qu'il s'agisse du sentiment de perdition de la femme quand son mari ramoneur (!) lui révèle qu'il a eu un rapport sexuel (anal) avec un client, mais aussi des confidences non dénuées d'humour entre l'homme et son collègue également ramoneur qui, lui, se voit en rêve, déguisé en femme devant David Bowie (Sex); des rencontres (possiblement sexuelles) sur le ferry qui assure la liaison entre Oslo et les îles du fjord (Love); ou encore du temps partagé (à faire du tricot dans une ambiance très "hygge"!) entre l'adolescente et la prof de français, objet de son premier amour (Dreams). Ce qui fait qu'on hésite en permanence entre séduction et agacement, adhésion et résistance... et qu'à la fin, eh bien, on reste dubitatif.

24 juillet
Ah Merlusse de Pagnol! (avec Toni de Renoir, Remous de Gréville et Bonne Chance! de Guitry, mon carré d'as des films français sortis en 1935). C'est l'histoire d'un pion (Poupon), surnommé Merlusse parce qu'il sent la morue, personnage redouté des élèves alors que s'ils le connaissaient "ils lui pisseraient dans les poches". Ce film (de Noël) est une pure merveille. A comparer au besogneux Winter Break d'Alexander Payne.

25 juillet
The Things You Kill. Complètement bidon la seconde partie avec l'échange d'identités (+ l'un des deux personnages à la place du chien!)... Lynch et Buñuel, mon œil, le scénar relève ici du truc de petit malin (Ali et Reza, soit le prénom du réalisateur, haha) et en y cédant — je passe sur la métaphore "Tue/éteins la lumière/le père" elle aussi bien lourdingue qui ouvre et clôt le film — Khatami se rétame dans les grandes largeurs.

28 juillet
Les 4 Fantastiques de Shakman avec Pedro Pascal dans le rôle de Mr Fantastic, acteur qu'on voit beaucoup en ce moment (Materialists de Celine Song, film sympa mais sans plus... Eddington d'Ari Aster, satire — dans tous les coins — trop bordélique et roublard pour convaincre) et ici peut-être à cause de ses initiales doubles (PP à l'instar des super-héros Marvel)... oui eh bien, c'est pas super génial, pas aussi inventif évidemment que les Indestructibles de Pixar, pas aussi poilant évidemment que le Fumer fait tousser de Dupieux... mais bon, quand même super moins con, en dépit de sa veine lourdement familialiste (qui est propre à la série), que le Superman de Gunn.

  L'Usine de rien de Pedro Pinho (2017).