février 07, 2025

Génie de Monteiro


  Lettera Amorosa de João César Monteiro (1995).

— Eugénie de Montijo?
— Non, Génie de Monteiro!

(jeu de mots à la mémoire de Jean-Claude Biette,
dédié aussi à Marcos Uzal, le papa de Sylvestre)

Quand je lis certains articles comme par exemple le texte sur "la trilogie de Dieu" de Monteiro dans les Cahiers, je me dis qu'une vraie critique post-MeToo reste à inventer, qui ne se contente pas d'épingler le problème que poserait un auteur en suivant une grille de lecture très réductrice, au sens de ce que peut avoir de réducteur le recours à une grille (on l'a vu dans le passé avec la psychanalyse, le structuralisme et déjà le féminisme), mais au contraire intègre ces nouveaux critères, d'ordre disons éthique, aux autres critères (esthétiques, politiques...) qui servent à l'analyse d'une œuvre, le travail critique consistant, fort de ces éléments et de leur interaction, à faire ressortir les tensions internes et souvent contradictoires qui nourrissent toute création. C'est d'autant plus vrai pour un auteur comme Monteiro que, son œuvre prêtant facilement le flanc à des jugements moraux sinon moralisateurs, on ne peut faire l'économie de ce qui sous-tend chez lui ses "fantasmes" érotico-poétiques (Sade, l'abjectionnisme, etc).

Bonus: 3 courts-métrages de João César Monteiro: Lettera Amorosa — Passeio com Johnny Guitar — O Bestiário, réalisés en 1995, la même année que la Comédie de Dieu.

Et puis un texte: "Journal intime de Jean de Dieu". Tout Monteiro est là, à commencer par l'humour.

Lundi 8 juillet
Les culottes de la fille de Madame Assomption ont disparu de la corde à linge.

Mardi 9 juillet
J'oublie toujours d'acheter un vase pour planter quelques petits pieds de persil.

Mercredi 10 juillet
Il y a des jours où un homme ne peut pas sortir de chez lui.

Jeudi 11 juillet
L'obstination de Stavroguine m'échappe quand il assure à Chatov, les yeux dans les yeux, qu'il n'a jamais abusé d'enfants.

Vendredi 12 juillet
Le tremblement de terre de 1755 ne suffit pas à expliquer cette mystérieuse rumeur nocturne.
Abyssus abyssum invocat...

Samedi 13 juillet
J'ai passé cette âpre journée sans aigreur d'estomac. Bénis soient les petites épinoches avec le riz aux poivrons.

Dimanche 14 juillet
Branlette? Soit! Eh oui!
A ce propos: les culottes de la fille de Madame Assomption sont réapparues sur un amas de décombres. L'honneur du couvent est sauf.

(João César Monteiro, Une semaine dans une autre ville. Journal parisien & autres textes, trad. Pierre Delgado, La Barque, 2012)